lundi 1 septembre 2008

Sami Ben Abdallah : La Torture Sous Bourguiba.. Une armée de Ministres cuisiniers

« Toutes ces questions peuvent être adressées aussi à M. Ahmed Ben Salah, et à bien d’autres, comme MM. Ahmed Mestiri, Hassib Ben Ammar, Beji Caid Essebssi ; où étaient-ils quand on envoyait des étudiants au bagne ? Qu’ont-ils fait pour empêcher la torture, à défaut de la dénoncer ? Avaient-ils si peu de démissionner, de prendre des risques ? S’ils avaient peur des risques, ils n’avaient pas à entrer en politique. Les uns et les autres (si différents par ailleurs) fournissent aujourd’hui des explications a posteriori. Elles ne sont pas toujours convaincantes. « Ce n’est jamais, jamais après mais avant que ça se passe ». P81, Mohesen Toumi, la Tunisie de Bourguiba à Ben Ali », Presses Universitaires de France, novembre 1989

« Le drame de la répression en Tunisie, c’est que tout le monde devient amnésique. Aujourd’hui, tous disent : « on ne savait pas ! ». C’est le comble du cynisme ! Je suis persuadé que, tôt ou tard, ce dossier s’ouvrira. Ce qu’il révélera sera terrible pour ceux qui croient aujourd’hui avoir échappé à la justice humaine. » Noureddine Ben Kheder- ancien dirigeant de la gauche tunisienne

« Les Hommes politiques occidentaux ainsi que des anciens responsables politiques font souvent l’éloge de Bourguiba, bâtisseur, selon eux, d’un Etat « moderne ». Je veux bien savoir que penseraient un Jacques Chirac, un Bertrand Delanoé, un Philippe Séguin ou ces anciens responsables qui se disent Bourguibistes, s’ils avaient passé des années dans les prisons sous Bourguiba et s’ils étaient torturés comme l’étaient des milliers de Tunisiens. Continueraient-ils à dire…un Etat « moderne » ? Et comment un Etat « moderne » torture-t-il ses citoyens et organise la fraude électorale de l’aveu de l’ancien premier ministre? » Sami Ben Abdallah

Par Sami BEN ABDALLAH
Sami_tunisie_soir@yahoo.fr

Depuis quelques années, des débats sont organisés en France à propos des méthodes d’une partie de l’armée française durant la guerre d’Algérie. Ces débats, avec tout ce qui s’en est suivi, de révélations, d’accusations, de contre-accusations, de remords et de regrets honorent la France et plusieurs Algériens qui demandent que la France reconnaisse la torture pratiquée en Algérie. Cela nous conduit à la Tunisie pour s’interroger : ou sont passés les Tunisiens ? Pourquoi cette étape importante de l’histoire de notre pays est occultée ? Qu’en est-il des méthodes de l’armée française en Tunisie ? Il ne s‘agit pas d’une concurrence des mémoires, mais il y a bien eu une guerre, des maquis, des martyrs, des fellaghas contrairement à tout ce que l’histoire officielle de la Tunisie enseigne ( un seul homme- Bourguiba- a combattu le colonialisme tout seul et nous a ramené l’indépendance ). Qu’en est-il des méthodes utilisées par les partisans de Bourguiba contre leurs rivaux youssefistes ? Qu’en est-il de la torture, des assassinats politiques ?

Parmi les témoignages qui ont choqué une majorité des français, il y a les deux livres souvenirs du général Paul Aussaresses, « Services Spéciaux Algérie 1955-1957 » et « je n’ai pas tout dit ». Dans le premier, le général –ancien chef des services spéciaux- écrit : «comme beaucoup de mes camarades qui ont combattu en Algérie, j’avais décidé, non pas d’oublier, mais de me taire » (p9). Et d’ajouter, avec tout le cynisme qui le caractérise : « Je suis conscient que ce récit […] est susceptible de choquer –ceux qui savaient et qui auraient préféré que je me taise comme ceux qui ne savaient pas et auraient préféré ne jamais savoir-, je crois qu’il est aujourd’hui utile que certaines choses soient dites ». Dans ces deux livres –souvenirs, Paul Aussaresses a bien reconnu avoir pratiqué la torture, ce qui a provoqué sa condamnation pour apologie de crimes de guerre en 2003 et sa démission forcée de l'ordre de la Légion d'honneur avant de subir la correction du Général Marcel Bigeard qui lui a lancé : « Qu'est-ce qui t'a pris d'ouvrir ta gueule ? ».

Incontestable, nombre de Français étaient gênés par les témoignages du Général. Cependant, la France peut être fière de ces Français qui durant la guerre d’Algérie ont dénoncé la Torture. Ils étaient politiques, intellectuels, journalistes, officiers et français ordinaires. Ils étaient Français, leur armée combattait en Algérie. Mais ils ont dit Non à la Torture. C’est de cette France la, qu’on peut être fière, celle du Général Paris de La Bordière (il était l’officier le plus décoré de l’armée française). Il s’est opposé publiquement aux directives du Général Massu (vainqueur de la bataille d’Alger en 1957), « De la Bordière a franchi la barrière invisible du «devoir de réserve» en rendant publiques, dans la presse parisienne, les raisons de sa désapprobation des méthodes fortes des services de renseignement. D’autres officiers comme le colonel de Seguins-Pazzis - certes moins célèbres - n’ont pas été moins honorables. Ils ont régulièrement expliqué à leurs subalternes que la «lutte anti-subversive » ne pouvait s’accommoder de l’usage de la torture sans que l’armée y perde son âme ». ( Livre «Ces officiers qui ont dit non à la torture» de Jean-Charles Jauffret).

Le Général de la Bordière a été condamné à 60 jours d’arrêt de forteresse. Mais il ne recula pas ! Non à la torture. Il plaça la morale au-dessus des ordres. Il sera suivi par d’autres dont les journalistes Claude Bourdet et François Mauriac. Le premier a publié un article en 1955 dénonçant la torture, intitulé «Votre Gestapo d’Algérie » ( article paru le 13 janvier 1955 dans France-observateur). Le second a publié son article 2 jours plus tard dans l’Express, « La Question », (in Sylvie Thénault, « Une drôle de justice , les magistrats dans la guerre d’Algérie », p 27 Editions La Découverte, Mars 2004).

Tunisie : Ces Ministres «cuisiniers » qui ne savaient pas !

Lors d’arrestation de terrorises dans les maquis en Algérie durant la guerre qui a ravagé ce pays depuis 1990, « les terros » déclaraient toujours « Moi je n’ai pas participé aux opérations, j’étais affecté à la cuisine ». Et les policiers algériens leur répondaient «tous disent qu’ils étaient affectés à la cuisine, les GIA étaient une armée de cuisiniers ? ».

Cet exemple anecdotique mais vrai rappelle à plusieurs égards l’attitude des anciens Ministres tunisiens. Tous sont devenus amnésiques, tous ne se rappellent pas de la torture, tous ne savaient rien, tous - à lire leurs souvenirs- se disent des «démocrates ». Ainsi dans son livre souvenirs, Tahar Belkhodja - ancien ministre de l’intérieur- qui ne pouvait pas méconnaître la torture pratiquée dans les caves de son Ministère ou dans les fermes privées (où des français torturaient des Tunisiens avant l’indépendance), le mot « torture » n’est pas présent, même pas une fois dans son livre de 201 pages. Bien au contraire. Tahar Bekodja écrit à propos de l’arrestation de militants d’extrême gauche «l’enquête de la police s’était déroulée d’une façon fort civile. En 1974, en effet, les services de sécurité étaient tout autre que ceux de 1968. Ministre de l’intérieur et détenant ainsi tous les pouvoirs afférents à ma charge, je m’étais employé avec le nouveau directeur général de la Sûreté, Abdelmajid Bouslama —ancien juge éprouvé — à élaguer le département de toutes les “vieilles croûtes”et à promouvoir de nouveaux hauts cadres, — jeunes licenciés en droit, formés aux écoles de police à Lyon et de la gendarmerie en Belgique et au Canada, — qui changeront l’état d’esprit et le comportement de la police et de la garde nationale. Dès le 20 août, j’adressai à tous mes subordonnés une circulaire qui rappelait leur premier devoir : “La garde à vue a été limitée par la loi et ses délais précisés, afin de sauvegarder les libertés individuelles consacrées par la Constitution (...) L’action de toutes les structures du ministère doit être empreinte du sceau de la légalité”. Ces instructions furent scrupuleusement appliquées » ( Tahar Belkhoja, « Les Trois décennies Bourguiba », pp86-87).

« Sauvegarder les libertés individuelles consacrées par la Constitution » ! et quoi encore ?

Mohamed Mzali, l’ancien premier Ministre a publié 3 livres après avoir quitté le pouvoir. Lui aussi est devenu amnésique et ne se rappelle plus de la Torture. Cependant, on reconnaît à M. Mzali un peu de courage. Car dans son premier livre «Lettre ouverte à Habib Bourguiba » (certes, il l’a écrit de l’exil), il a expliqué comment on obtient en Tunisie ces fameux taux de 99% dans les élections présidentielles ou législatives:" Le 10 avril 1981, Bourguiba faisait une proclamation en faveur du pluralisme : « Le degré de maturité atteint par le peuple tunisien, les aspirations des jeunes et l’intérêt qu’il y a à faire participer tous les Tunisiens, quelles que soient leurs opinions à l’intérieur ou à l’extérieur du parti dans la prise de décision, nous invitent à dire que nous ne voyons pas d’objection à ce que des organisations nationales politiques ou sociales voient le jour ». Officiellement : « avec un taux de participation de 85 % de votants, les résultats proclamés le 2 novembre donnèrent au Front national 94,6 %, le MDS n’obtenant que 3,2 %, le MUP 0,8 % et le PCT 0,7 %. L’opposition dénonça avec véhémence la fraude électorale. Le ministre de l’intérieur (Driss Guiga) répondit que si des bavures avaient pu avoir lieu, elles ne faussaient pas le sens du scrutin. Le Premier ministre Mzali déclara : « Sur le plan arithmétique, pas un seul opposant ne méritait d’être élu. Pas un seul ne peut prétendre avoir obtenu assez de voix pour être élu ». Mais des années après, l’ancien premier Ministre, reconnaissait qu’il y a eu des fraudes électorales et déclarait que « Bourguiba ordonna une victoire totale des listes du Parti au pouvoir. …En 1981, Guigua (Ministre de l’intérieur) m’avait confié que le Président avait ordonné une victoire totale des listes du PSD ; un commando s’était même rendu, la nuit du dépouillement du scrutin, au siège du gouvernorat de Tunis, pour y trafiquer les résultats... ». Le premier Ministre écrira à Bourguiba: « Je vous ai rappelé que vous-même et le PSD avec vous, n’aviez plus besoin pour gouverner des mythiques 99% des voix que vous « donnait » chaque élection » (Lettre ouverte à Habib Bourguiba,p19). Quand il était au pouvoir, le premier Ministre niait la fraude électorale, une fois chassé du pouvoir, il révéla l’étendue de cette dernière.

M. Mohamed Sayyah l’ancien Homme fort du parti au pouvoir avait déclaré récemment « si les Tunisiens ne vivent pas en liberté, à quoi a servi l’indépendance ? ». Belle déclaration.
En 2003, lors d’une rencontre organisée par la fondation Temimi pour la recherche (dont le résumé a été publié par le site Beb-el-web), Noureddine Ben Khedr paix à son âme- figure de la gauche tunisienne- posa une question directe à M. Mohamed Sayyah :
« Etiez-vous conscient de la situation des intellectuels tunisiens à l’époque, et de l’absence de vie démocratique dans le pays ? » Et d’ajouter « Nous étions convaincus que Mohamed Sayah était derrière ces tragédies et événements ». M. Ben Khedr a également demandé à M. Sayah : « Comment avez-vous osé qualifier les militants de perspectives en tant que traîtres et malades ?» M. Ben Khedr a parlé de la torture dont il fut victimes sous l’ancien régime, et a posé la question à M. Sayah de savoir s’il était au courant de ces pratiques. Prenant la parole, M. Mohamed Sayah n’a pas nié ses responsabilités dans les événements de mai 1963 à l’occasion des élections des délégués de l’UGET (section parisienne) alors qu’il était directeur adjoint du Parti. Il a considéré qu’il était responsable des confrontations qui ont eu lieu, bien qu’il n’était pas responsable de la jeunesse et a exprimé ses regrets. (…) . S’adressant à Ben Khedr, M. Sayah a affirmé : « Quand vous étiez en prison, nous n’étions pas à l’aise, je considère vos souffrances et votre situation carcérale ». Il a ajouté : « J’entendais parler de la torture et cela me faisait mal ».

Mohamed Sayah était le plus proche collaborateur de Bourguiba, plusieurs fois Ministres et Directeur du parti au pouvoir (le PSD, l’ancêtre du RCD). Il a cautionné les méthodes odieuses des «milices du parti » qui terrorisaient les Tunisiens ! Et durant 30 ans au pouvoir, il ne savait rien de la torture mais il «a entendu parler de la Torture » et durant 30 ans au pouvoir « il n’était pas à l’aise et avait mal » !

Noureddine Ben Khedr dira plus tard «le drame de la répression en Tunisie, c’est que tout le monde devient amnésique. Aujourd’hui, tous disent : « on ne savait pas ! ». C’est le comble du cynisme ! Je suis persuadé que, tôt ou tard, ce dossier s’ouvrira. Ce qu’il révélera sera terrible pour ceux qui croient aujourd’hui avoir échappé à la justice humaine ».

Ils ne savaient rien donc de la Torture! Tous les Tunisiens savaient que la torture était pratiquée...sauf ces ministres! Quand M. Mohamed Sayah s’interroge aujourd’hui «a quoi a servi l’indépendance si les Tunisiens ne sont pas libres ? ». On ne peut que souscrire à son interrogation, mais lui poser la question à lui et à tous ceux qui se sont découvert des vocations de «démocrates » après avoir quitté le pouvoir, à tous ceux qui ne se rappellent plus de rien : Vous M. Sayah qui étiez 30 ans au Gouvernement ou personne ne vous a entendu un jouer discourir sur la liberté, qu’avez-vous fait pour dénoncer la Torture ? Pourquoi avez-vous cautionner les milices du Parti au Pouvoir (le PSD rebaptisé RCD) qui terrorisaient les Tunisiens ? Il ne s’agit pas uniquement de M. Sayah, les souvenirs de M. Tahar Belkodja sont si sélectifs que ce qu’il a déclaré dans son livre est totalement démenti par les témoignages du défunt Noureddine Ben Kheder ou d’Ahmed Othmani, deux figures de la gauche tunisienne et bien d’autres témoignages. Car Tahar Belkoja, en tant qu’ancien Ministre de l’intérieur, ne pouvait pas ne pas tout savoir sur la Torture !

En 1962, lors du procès de la tentative de Coup d’Etat, (Le complot de décembre 1962: Fallait-il les tuer ?- « Réalités » N° 1069 du 22 juin 2006) Noura Borsali rappelle que « Selon les inculpés dans cette affaire que nous avons rencontrés, les interrogatoires se sont déroulés dans des conditions le moins que l’on puisse dire pénibles. Ils ont subi, disent-ils, toutes sortes de sévices physiques et moraux. Azzeddine Azouz, lui-même, arrêté sans avoir été jugé, le 25 décembre, dans le cadre de cette affaire, raconte sa détention dans les locaux de la brigade de la Sûreté de l’Etat, dans son récit “ L’Histoire ne pardonne pas. Tunisie 1938-1969 ” (L’Harmattan/Dar Ashraf Editions, 1988). “ Je fus éveillé par d’atroces cris de douleurs provenant de pièces avoisinantes. Je réalisai promptement que l’interrogatoire nocturne commençait… Je peux décrire ici ce que j’ai entendu ce soir-là : tortures, supplices, cris inhumains, coup de cravache, étouffements à l’eau, brûlures à la cigarettes et à l’électricité, supplice de la bouteille…Je ne pouvais en croire mes oreilles et m’imaginer vivre en plein vingtième siècle, dans une Tunisie moderne et indépendante sous la présidence de Bourguiba. Un policier de stature colossale fit irruption dans la pièce où j’étais, une cravache à la main et tout en sueur à forcer de frapper les détenus ”.

Et Noura Borsali d’ajouter «ils ont été conduits ensuite à la prison Borj Erroumi de Bizerte où ils ont vécu dans des damous, sorte de dépôt de munitions du temps des Français à 37 marches (à environ 15 m) de profondeur. Les murs, selon les témoignages recueillis, suintaient continuellement : 3 à 4. litres par jour si bien que “ nous grelottions hiver comme été à cause de l’humidité. Quant au soleil ou aux rais de lumière, nous n’y avons eu droit qu’après nos sept années passées à Porto Farina et notre transfert à Bizerte. Pendant plus de sept ans, nous avons vécu dans l’obscurité de jour comme de nuit ”, confie Temime H’maidi Tounsi. Ils ont reçu la visite de quelques personnalités politiques comme Taïeb Mhiri, Béji Caïd Essebsi, Mohamed Farhat, Hédi Baccouche, Tahar Belkhodja, Fouad Mbazaa, le gouverneur de Bizerte… “ Après la visite de Taïeb Mhiri, le système est devenu plus dur. Je me souviens encore de la phrase de Béji Caïd Essebsi : “ Ils tiennent encore ? ”, nous dit encore Temime H’madi Tounsi. Le 31 mai 1973, ils ont été libérés suite à une grâce présidentielle, après dix ans de détention ».

Les procès politiques dans notre pays n’ont pas manqué ! Déjà en décembre 1955, 4 mois avant l’indépendance, des Tunisiens torturaient d’autres Tunisiens dans les mêmes fermes où des français torturaient des Tunisiens. « Des dizaines de morts, un grand nombre de blessés, ..Des militants youssefistes sont suppliciés dans des prisons privées illégales, comme celle de Beni Khalled, créée par Amor Chachia qui siégea par la suite en tant que commissaire du Gouvernement auprès de la Haute Cour ». Amor Chachia sera récompensé plus tard et aura la charge de trois gouvernorats importants : Sousse, Kairouan et Nabeul (Omar Khlifi, «L’assassinat de Salah Ben Youssef »,MC Editions, 2005, p 141).

En 1956 ; 1957 il y a eu les procès des Youssefistes, en 1962 pour la tentative de Coup d’Etat, en 1963 l’assassinat de Salah Ben Youssef par des hommes de main de Bourguiba « certaines sources publiées et jamais démenties avancent que les protagonistes du projet d’élimination physique de Ben Youssef furent Bourguiba en personne, son épouse Wassila, Mohamed Masmoudi, Hassen Belkodja, Tayeb Mhiri, ainsi que l’inévitable Béchir Zarg Layoun » (Omar Khlifi, « l’assassinat de Salah Ben Youssef »,MC Editions, 2005, p 180).

De 1967 jusqu’à 1974, il y a eu le procès de l’extrême Gauche où des étudiants si jeunes ont été sauvagement torturés et condamnés à plus de dix ans de prison. En 1978, il y a eu le jeudi noir et la mort de dizaine de Tunisiens.

Durant tous ces procès, les mêmes méthodes ont été utilisées : La torture, les conditions inhumaines dans les prisons, des campagnes de dénigrement si lâchement orchestrées présentant ces pauvres étudiants comme des «traîtres et des malades ». De tout cela, ces anciens Ministres ne se rappellent de rien ! Ils ne «savaient pas », «ils n’étaient pas au courant », «ils ont entendu parler de la torture » comme tout le monde ! Ils Il faut croire qu’ils n’étaient pas Ministres ! Mais une armée de Ministres affectés à la cuisine du Palais de Carthage! Ainsi, ils ne savaient rien des décisions prises au Palais.

Il ne s’agit pas de personnes dont on ne peut pas être fière de leurs parcours politiques. Oui, car les Français ne sont pas fières aujourd’hui du Général Paul Aussaresses même s’il a fait ce qu’il a fait pour la France ! On ne peut pas être fière de ces Ministres qui ont cautionné la torture d’autres Tunisiens. Cependant, il ne s’agit pas de personnes fusent-ils importantes, car elles restent si insignifiantes devant l’histoire de la Tunisie. Il s’agit d’une étape importante de l’histoire de notre pays qui a été occultée. On n’a pas connu cette histoire, on est condamné à la revivre. Pourquoi plusieurs des anciens Ministres ou Bourguibistes se taisent ? Car beaucoup tiennent à leurs privilèges et se sont enrichis sur le dos des Tunisiens. Sous prétexte de fidélité à Bourguiba, ils confondent sciemment une fidélité à la personne et une fidélité au pays et aux valeurs et principes qui leur ont fait défaut. Avant d’être fidèle à untel ou untel, on doit être fidèle à la Tunisie. Et du coup, l’Histoire de notre pays est à réécrire, car l’histoire officielle est faite de mensonges et de contre vérités.

Faut-il jalouser les Français ?
Incontestablement oui. La Tunisie officielle a manqué d’hommes de la classe du Général de La Bordière, de François Mauriac, de Claude Bourdet et bien d’autres. Nous avons eu des hommes qui ont cautionné la Torture, qui ont cautionné les milices qui ont terrorisés les Tunisiens, qui se sont avérés des savants dans l’art de cautionner des fraudes électorales et d’obtenir des taux de 99% (à en croire le témoignage de l’ancien premier Ministre Mohamed Mzali) et dont certains d’entre eux se sont enrichis sur le dos du contribuable tunisien. Ils n’ont pas eu le courage de La Bordière, de Mauriac et bien d’autres. Ils n’ont même pas eu «le courage » du Général tortionnaire, Paul Aussaresses qui a reconnu la torture. Le Tout sous prétexte de construire un « Etat moderne ». Comment un Etat « moderne » torture-t-il ses citoyens ? Comment un Etat moderne réprime-t-il la liberté d’expression n’autorisant qu’une seule liberté, celle du culte de la personne ? Comment un Etat « moderne » organise-t-il les fraudes électorales ?

Tunisnws, N° 3022 du 31.08.2008

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