mardi 2 septembre 2008

Nawaat - Tunisie : les commentaires que l’on censure sur Espacemanager.com

Suite à la publication d’un article justifiant la censure de Facebook en Tunisie sur «Espacemanager.com», j’ai réagi, hier soir vers 2 heures du matin en laissant un commentaire lequel, je le reconnais, n’était pas tendre avec son auteur. Mon commentaire fut censuré et je le regrette. Et j’imagine que je ne suis pas le seul dont le commentaire fut ainsi happé. J’en parle aujourd’hui, car j’estime qu’il est toujours utile de démonter les bêtises qui font du tort au modèle de société auquel nous aspirons. Et je suis de ceux qui pensent, comme d’ailleurs je l’ai souvent dit, qu’il ne peut y avoir de démocratie ni d’Etat de droit en Tunisie si nous ne contribuons pas tous à rendre intolérable pour l’opinion publique les atteintes à ce qui constitue la substance même du modèle de société auquel nous aspirons. On peut construire des cathédrales entières de normes juridiques structurant l’Etat de droit et la démocratie. Mais toutes ces normes auront les mêmes effets que ceux sur les singes si au sein de l’opinion publique ne s’exprime pas ce fort sentiment de rejet des atteintes qu’on leur inflige.

Voici l’article signe par « L.M.H » et publié sur espacemanager.com, suivi de mon commentaire censuré par le même site.

« Facebook: 404 File Not Found »
dimanche, 31 août 2008 20:21

404 file not found ou encore HTTP 404 - fichier introuvable, ce sont les messages que nous sortent les différents browsers depuis le 24 Août 2008 à chaque fois que nous tapons l’adresse www.facebook.com.

Révolu le temps du chat classique à travers ICQ, MIRC etc., avec l’avènement de la nouvelle génération du web, nous commençons à voir défiler le web participatif et les réseaux sociaux (HI5, Myspace, Facebook etc..)

Ces derniers ont fait leurs preuves et le chef de file est désormais Facebook qui, avec 132 millions de visiteurs pour le mois de juin devient le réseau social le plus visité au monde.

En Tunisie, nous avons plus de 153.000 abonnés au réseau ADSL et si on considère que pour chaque abonnement 2 personnes se connectent nous avons là plus de 300.000 internautes qui utiliseraient internet fréquemment dont au moins le cinquième possède un compte Facebook.

Avec ce calcul d’épicier, et si mon compte est bon, la Tunisie en compterait au moins 60.000 membres et dont, au moins, la moitié est “Addicted” à cette plate-forme.

Depuis le 24 Août 2008, l’accès à ce site n’est plus possible. Certains parlent de problèmes techniques vu que Facebook s’ouvre encore sur des adresses telle que www.www.facebook.com et d’autres évoquent tout simplement le blocage du site en d’autres termes la censure.

Supposons que ce soit bel et bien de la censure; Un site aussi populaire que Facebook, qui mobilise autant d’internautes tunisiens représente une aubaine pour des personnes malintentionnées afin d’essayer de manipuler des concitoyens et de répandre des mensonges, calomnie et autres injures.

Certains diront que ce n’est pas une raison pour bloquer l’accès à un site arguant que les tunisiens sont responsables et discernent le bien du mal.

il ne s’agit pas ici de trouver des excuses ou des circonstances atténuantes au “blocage” du site (encore faut il rappeler que ce n’est pas sûr que le site ait été fermé intentionnellement) mais il faut reconnaître qu’en laissant les choses comme elles sont, nous risquons de tomber dans une banalisation dangereuse de la calomnie et qui n’a rien à voir avec la liberté d’expression.

Si Facebook a été censuré c’est donc explicable mais certains se demandent s’il n’aurait pas été mieux de laisser ces pseudo opposants parler pour mieux les démasquer ?

Enfin, pour que les choses soient claires, nous ne devons pas oublier que la Tunisie est bel et bien en train d’avancer sur tous les plans et pour la démocratie nous avons peut être encore du chemin à parcourir mais évitons d’être pessimiste et regardons plutôt une fois derrière nous pour évaluer le chemin déjà parcouru et ce qui a été réalisé depuis deux décennies.

L.M.H

Mon commentaire censuré :

Si la démocratie a encore du chemin à faire, c’est principalement dû aux discours affligeants de certains qui se contorsionnent pour justifier l’injustifiable. Si la démocratie tunisienne peine à avancer, si la liberté d’expression est tant malmenée, ce n’est pas uniquement dû à la responsabilité des gouvernants actuels. C’est surtout la tolérance des “pseudo journalistes” à l’égard de la violation de la loi tunisienne. Ce qui est scandaleux, ce n’est pas tant la censure, mais plutôt cette tolérance de certains, souvent par vénalité, vis-à-vis de l’empiétement sur ce qui relève de la seule compétence des tribunaux. La Tunisie n’est pas le fief d’un quelconque technocrate. C’est un Etat régi par des lois votées par la Représentation nationale. Et tant que des apprentis journalistes prennent autant à la légère que ces lois soient violées au grès des humeurs de certains, alors nous peinerons encore sur le chemin de la démocratie.

Personne ne clame l’impunité de la diffamation ni d’ailleurs celle des agressions verbales via les supports online. Mais leur constat relève de la seule compétence des tribunaux, et non de celle d’un technocrate. Quand un chauffard commet une grave infraction, on ne confisque pas les voitures des autres citoyens, ni n’inflige des sanctions collectives. Seul ce chauffard est déféré devant les tribunaux.

Il eut été tellement plus profitable à tous, que l’auteur de ce papier s’interrogeât sur la procédure suivie, la qualité de la personne et en vertu de quelle disposition légale s’est-elle permis de décapiter Facebook en Tunisie. Mais non… ça lui semble tellement normal, voire “explicable” qu’une obscure autorité, d’un obscur endroit appuis clandestinement sur un bouton et bâillonne qui elle veut.

La Tunisie Etat de droit”, n’est pas une simple formule avec laquelle certains se gargarisent. Cet Etat de droit n’existera effectivement que le jour où, quelques-uns, à l’instar de l’auteur de ce papier cesseront leurs niaiseries complaisantes et leurs compromissions à l’égard de la violation de la loi Tunisienne.

Astrubal

[Fin du commentaire censuré]

Ainsi, moi qui croyais avoir été si modéré en réagissant à l’article, au point de m’être abstenu de commenter sa phrase la plus lamentable ; en l’occurrence celle qui assène « Si Facebook a été censuré c’est donc explicable mais certains se demandent s’il n’aurait pas été mieux de laisser ces pseudo opposants parler pour mieux les démasquer ? ».

J’avais considéré que c’était trop facile de s’en prendre à la culture civique de l’auteur qui en toute méconnaissance de nos institutions s’est mis à croire qu’être opposant est une tare et que l’opposition ne peut-être qu’un mal. Voilà en effet un citoyen, sous couvert d’une démarche citoyenne traitant de la censure, se permet d’un trait de plume de faire voler en éclat ce statut de l’opposition que la Constitution Tunisienne garantie via la reconnaissance du multipartisme. En somme, comme si le terme même de majorité gouvernementale pouvait avoir du sens politiquement et sémantiquement si l’opposition n’existait pas ! Et évidemment, tout opposant, s’il n’est pas d’accord avec Ben Ali, devient ce «pseudo opposant» cristallisant en sa personne les maux politiques de notre pays. Un grave danger pour la stabilité et l’avenir de la Tunisie d’où la nécessité de le «démasquer» (pour utiliser le terme employé par l’auteur). Hélas, pour les lecteurs de notre champion de la culture civique, celui-ci s’est arrêté juste au moment où les choses allaient devenir intéressantes. Il ne nous dira pas ce qui devrait en être fait de notre pseudo opposant une fois démasqué. Peut-être le kidnapper, le traîner en justice, le harceler, le torturer, bref lui faire voir de toutes les couleurs afin qu’il renonce à ses opinions politiques qui divergent de celle de la majorité au pouvoir.

Astrubal, le 1 septembre 2008
http://astrubal.nawaat.org
www.nawaat.org

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